Les prestations de système de santé
Les systèmes nationaux de santé garantissent une meilleure prise en charge publique des soins de santé ; d’importants tickets modérateurs ou « franchises » accroissent les inégalités d’accès aux soins de santé.
Qu’est-ce qui pris en charge par le système ? – tous les systèmes européens de protection sociale garantissent un revenu de remplacement aux personnes empêchées de travailler pour cause de maladie. Ce revenu peut être prix en charge directement par le système de santé (cas des assurances-maladie) ou bien versé par un organisme public différent du système de santé (cas des systèmes grosse part des dépenses n’est plus consacrée aux indemnités journalières ne représentant plus que 5% des dépenses de santé en 2008 en France (donnée IRSES E Eco-Santé France 2010).
Cette couverture peut être plus au moins limitée. Une part du cout des soins peut être laissée aux usagers. On parle alors de copaiement ou bien, en France, de « ticket modérateur » et à part de 2008 de « franchises ». A l’origine, le ticket modérateur était censé « responsabiliser » les patients, les inciter à modérer leurs consommations de soins en les obligeant à payer une partie des frais de santé. Les théories de l’assurance supposent en effet que si l’ensemble des risques est couverts et si les prestations sont gratuites, alors les usages vont prendre des risques inutiles et abusent su système (on parle d’aléa moral ou, en anglais, de moral hazard). C’est pourquoi une franchise est imposée aux assurés en matière d’assurance automobile, c’est pourquoi un ticket modérateur fut mis en place en France pour les soins de santé.
En France cependant, le ticket modérateur étant pris en charge par les mutuelles, il ne modère donc rien du tout, sauf les dépenses de ceux qui ne peuvent se payer de mutuelles. Une augmentation du ticket modérateur ne fait que transférer des charges du système public aux mutuelles ; mais elle a des conséquences très fortes sur l’accès aux soins des plus démunis, qui sont amenés à annuler ou reporter certains soins et attendent une aggravation de leur pathologie pour aller à l’hôpital, ou les soins sont gratuits (mais plus couteux pour le système).
En Suède, en revanche, la part payée par les usagers n’est pas remboursée (on parlerait en France de ticket modérateur d’ordre public, ou de franchise, non remboursable), mais elle est limitée à une somme forfaitaire par année (99 E pour les consultations), de façon à ne pas pénaliser les plus malades et les plus démunis.
Aucun système de santé ne couvre la totalité des dépenses de santé. Il convient donc de différencier entre les dépenses publiques de santé (la partie couverte par le système) et les dépenses totales ou globales de santé (intitulées dépense nationale de santé en France). Une façon de mesurer l’équité d’un système de santé est de calculer le taux de prise en charge qu’il garantit — à savoir, le rapport entre les dépenses publiques et les dépenses totales de santé. Les systèmes nationaux de santé britanniques et nordiques sont ceux où l’écart entre dépenses publiques et dépenses totales de santé est le plus réduit. En n’imposant qu’un copaiement limité (entre 14,5 et 19 % des frais), ils offrent la prise en charge la plus généreuse des soins de santé et garantissent ainsi à tous le meilleur accès à la santé (cf. tableau 1).
Tableau 1. — Part des dépenses publiques dans les dépenses totales de santé, en 2010 (en %)
Norvège 85,5 Allemagne 76,8
Danemark 85,1 Espagne 73,6
Royaume-Uni 83,2 Canada 71,1
Suède 81,0 Portugal 65,8
Japon 80,5 Grèce 59,4
Italie 79,6 États-Unis 48,2
France 77
Source : OCDE, 2012.
Ces taux de couverture ne donnent que des chiffres globaux qu’il convient de préciser afin de voir comment se distribue la prise en charge publique. Dans le cas américain, la relative faiblesse des chiffres correspond en partie au fait que toute la population n’est pas couverte par le système obligatoire. Pour les autres, il s’agit d’une partie des soins qui n’est pas couverte. Il existe plusieurs façons de définir ce qui est pris en charge ou non par le système. Soit il s’agit d’un taux de prise en charge ou de remboursement appliqué aux différents soins (ainsi, les honoraires des médecins de ville de secteur 1 sont remboursés à 70 % par la Sécurité sociale en France si le patient respecte le parcours de soins, 30 % en hors-parcours), ou bien encore on peut définir un « panier de soins » pris en charge par la couverture publique (liste des actes et des médicaments pris en charge, comme dans le système néerlandais ou pour la CMU en France).
Dans tous les systèmes de santé des pays d’Europe de l’Ouest, les soins les plus coûteux, nécessités par des maladies très graves (cancer, maladies cardio-vasculaires, Sida, diabète…) et par les maladies de longue durée (maladies dégénératives), sont très bien pris en charge (la quasi-totalité des soins hospitaliers sont pris en charge en Europe). Le coût représenté par ces soins et très élevé et représente la majeure partie des dépenses de santé. Ainsi, en France, fin 2010, les personnes admises en « affection de longue durée » (ALD) (personnes atteintes d’une des 30 affections prises en charge à 100 % du tarif de la Sécurité sociale) représentaient 16 % des assurés. Les remboursements pour ces personnes représentaient 63 % de la dépense totale des régimes d’assurance de base.
En revanche, les soins moins coûteux mais plus fréquents, associés à des pathologies moins graves, traitées par la médecine de ville, sont plus ou moins bien pris en charge selon les systèmes. La prise en charge est souvent limitée pour des domaines considérés comme non vitaux comme les soins dentaires et l’optique. La prise en charge des médicaments est souvent modulée en fonction de l’efficacité attribuée à ceux-ci et/ou du type de pathologie qu’ils soignent. La France se distingue par une mauvaise couverture des soins ambulatoires comparée aux cas suédois, anglais mais aussi allemand : environ 55 % du coût des soins ambulatoires sont couverts par l’assurance-maladie obligatoire.
Les Français qui ne sont pas atteints de maladies graves doivent compter sur leur assurance ou mutuelle complémentaire (exemple) pour prendre en charge une part (croissante) de leurs dépenses de santé (près de 13,5 % au total), sachant qu’il leur reste encore près de 9,4 % de leur dépense totale à financer de leur poche (DREES, 2011). Spécificité française liée à *de faibles niveaux de remboursement des soins ambulatoires, les assurances complémentaires sont très développées : environ 85 % des Français ont une mutuelle ou une assurance santé complémentaire pour couvrir une partie des frais laissés à leur charge, auquel il convient d’ajouter les 7 % de Français qui accèdent à une couverture complémentaire grâce à la CMU. Par comparaison, seulement 1,6 % des Suédois ont une assurance-maladie complémentaire, 11 % des Britanniques et 25 % des Allemands.
Alors même que le système français couvre très bien les maladies les plus graves, qui occasionnent la majorité des dépenses de santé, la plupart des Français (ceux qui consomment relativement peu de soins : 15 % de la population dépensait en 2004 moins de 40 E par an, 25 % moins de 150 E et 50 % moins de 470 E) (Haut Conseil, 2004) ont le sentiment de payer toujours plus de cotisations (à la Sécurité sociale et à leurs mutuelles) pour obtenir une prise en charge incomplète, qui va diminuant avec la hausse des tickets modérateurs et des dépassements d’honoraires. Ce sentiment provient du décrochage entre les taux de prise en charge, excellents pour les soins aigus ou chroniques mais — heureusement — rarement rencontrés par les Français, et des taux de couverture relativement faibles pour les soins courants auxquels tous ont recours. Ainsi, le taux de prise en charge publique moyen du risque maladie en France (77 %, cf. tableau 1) est trompeur, il correspond, à une moyenne entre d’une part la prise en charge à 100 % pour les affections de longue durée, mais seulement à 55 % pour les soins courants. Outre les effets pervers sur la santé des Français les plus démunis, ce décalage risque de créer des doutes sur l’efficacité et la légitimité de l’ensemble de notre système de prise en charge des soins de santé.