Que faire si votre vieille mère voit mal ou ne voit plus du tout ?
Si elle voit encore un peu (acuité visuelle entre 0,5 sur 10 et 3 sur 10), elle est dans le groupe dit de « basse vision » ; l’ophtalmologiste doit pouvoir vous dire si cette situation est relativement stable ou si elle va évoluer inéluctablement en quelques mois vers une cécité complète, c’est-à-dire une acuité visuelle inférieure à 0,5 sur 10 et parfois même la perte de la perception de la lumière. Dans les deux cas, votre interlocuteur va être l’orthoptiste, mais les investissements en temps et en matériel devront être choisis en fonction de la rapidité de l’évolution.
Elle voit mal
Si l’état de basse vision est réputé stable ou lentement évolutif, on peut améliorer notablement l’utilisation de la vision avec des séances de rééducation par un orthoptiste, plusieurs fois par mois pendant quelques mois. Ces séances sont remboursées par la Sécurité sociale sur demande préalable.
L’orthoptiste va d’abord vous apprendre à savoir vous comporter avec votre parent à basse vision. Certes, tout handicapé joue quelque part de son handicap pour en avoir des bénéfices secondaires, des gâteries, des caprices, et votre mère n’échappera sûrement pas à cette règle, mais tout ne doit pas être interprété dans cette optique. Certains malvoyants arrivent à voir presque correctement à certaines périodes grâce à de gros efforts d’attention, mais ils ne peuvent pas les maintenir toute la journée. Selon l’atteinte visuelle : périphérique ou centrale, selon la pénombre ou l’éblouissement, la vision est différente. N’interprétez pas cette variabilité comme une simulation (« elle le fait exprès », « elle dit ne pas voir les meubles et elle voit un détail »).
L’orthoptiste va vous aider à réaménager le logement pour obtenir des zones de confort maximal de vision, c’est-à-dire sans pénombre ni éblouissement.
L’orthoptiste va essayer de faire travailler les mouvements des yeux et la fixation des objets par le regard. Si votre mère a une dégénérescence musculaire grave, sa vision centrale précise est perdue, mais, ce qu’elle ne voit pas de face, elle peut s’entraîner à le voir de côté, ce qui est bien pratique pour attraper l’objet.
L’orthoptiste va faire travailler l’harmonisation entre l’œil et la main, ce qui va être primordial pour la poursuite des activités de la vie courante.
L’orthoptiste va essayer, avec un éclairage optimal, d’augmenter au maximum la discrimination des objets, et notamment des lettres, et préciser ce que peut apporter l’agrandissement. En fonction du stade de la maladie, des habitudes et du goût antérieur pour la lecture, on peut s’orienter vers des loupes qui peuvent être tenues à la main ou se poser, ou se mettre sur les yeux (lunettes-loupe), sur des agrandisseurs électroniques permettant de lire des grosses lettres sur l’écran de télévision ou sur un écran d’ordinateur, etc.
Les adultes aveugles ne peuvent pas utiliser correctement l’alphabet Braille et donc encore moins les personnes âgées, il faut en effet pouvoir lire plus de 150 mots par minute pour arriver à suivre ce que l’on lit. Par contre, il existe des bibliothèques de livres et journaux en gros caractères.
Elle ne voit plus du tout
Si votre mère en est au stade de cécité complète, l’orthoptiste vous dira sûrement qu’il ne peut plus grand-chose pour elle. Vous pouvez obtenir également, auprès de l’association Valentin-Haüy, de très nombreux conseils sur les cécités de l’enfant et de l’adulte, et sur les moyens d’adapter ces conseils à des personnes âgées aveugles. Notamment, il existe plusieurs milliers de livres qui peuvent être écoutés au magnétophone.
Éloge de la gaieté
Dans tous les cas, cécité ou basse vision, votre mère est probablement déprimée, discutez donc avec votre médecin de l’utilité de dépister et de traiter cette dépression. En outre, il faut stimuler toutes ses facultés restantes, notamment lui faire porter un appareil auditif si elle entend mal, lui parler, la faire parler, lui faire « sentir » l’air de la rue ou l’air de la forêt en l’emmenant promener, etc., lui communiquer un peu de ce qu’elle n’a plus mais qu’elle attend de vous, c’est-à-dire de la gaieté… Bref, quand on ne voit plus rien, il ne reste plus que le regard des autres posé sur vous.