Pourquoi ai-je gardé dans ma poche ce petit caillou ramassé en bord de mer, si beau dans son éclat d’humidité, et si anodin aujourd’hui.

L’esthétique avec son champs d’émotion peut nous coller à la peau. Sans utilité, elle nous remplit de l’envie d’exister. Or exister, est-ce être utile? En partie, certainement. Mais l’essentiel n’est-il pas ailleurs? C’est peut-être là que l’Art, au service de l’esthétique, trouve son intérêt comme modalité d’expression de la qualité existentielle des personnes. en cela, l’Art est utile, mais ce n’est que de l’Art, et n’en faisons pas plus que ce qu’il n’est.

N’en faisons pas moins non plus. Activité privilégiée d’expression, l’Art sollicite l’être humain dans ses moindres recoins et l’incite à s’inscrire dans la communauté des hommes. dire bonjour le matin à la rencontre des personnes, c’est bien, mais le dire en le pensant, c’est mieux. L’Art implique un engagement identique.

Aimer ou ne pas aimer l’Art ne doit pas l’imposer ou le faire disparaître. Autant l’artiste, le contemplateur que l’indifférent doivent être respectés. Réaliser, connaître ou faire connaître l’Art, c’est avoir envie de le réaliser, le connaître ou le faire connaître.

Mais, de quelle connaissance parlons-nous? De représentation ou de ressentis. Il semble bien que l’Art recouvre les ressentis. mais alors, la compréhension est-elle oubliée? Oubliée non, différente oui. C’est ce qui distingue le sens de la signification, et ce qui justifie que l’Art ne suffit pas à l’épanouissement général de l’être humain. Qu’on le veuille ou non, l’artiste doit manger. C’est certainement trivial mais bien utile à la vie.

Que l’on se souvienne de cette anecdote significative : Albert Einstein, joue du violon avec le grand maître E. Ysaye. Celui-ci réprimande le physicien en ces termes : « Mais, Albert, vous ne savez pas compter… ». Il s’agit des mesures musicales bien sûr, mais enfin, dire à Einstein qu’il ne sait pas compter, seul un musicien peut dire cela. Compter en physique ou compter en musique n’implique pas les mêmes fonctionnements et connaissances humaines. C’est ainsi que l’abstraction, avec tout ce qu’elle entraine de mécanismes humains permet de préserver le rayonnement esthétique des choses qui se donnent à la captation. Il s’agit là d’autant d’éléments propres à procurer des sensations particulières et à stimuler  la saveur existentielle des êtres humains. Beauté et laideur déterminent le champ esthétique que l’Art permet d’exprimer en sollicitant le goût, le style et l’engagement des personnes. En cela, l’expression nourrit l’Art mais toute expression n’est pas Art. C’est ce distinguo que la théorie des 3 B permet de réaliser et que le cube harmonique tente de synthétiser.

L’Art peut aider certaines personnes à bien vivre. Comme pour les cordes de l’instrument de musique, l’Art peut permettre de s’accorder avec le monde en ayant de la sympathie pour ce qui nous entoure. Pour s’accorder, il faut être juste, juste avec soi-même, juste avec les autres. Cela laisse entendre qu’en Art, on ne peut pas tricher. C’est l’un des premiers enseignements que l’Art peut nous donner.